Des «beurettes» aux descendantes d'immigrants nord-africains

Créditées d'une image favorable, tantôt perçues comme héroïnes tantôt comme
victimes, les descendantes d'immigrants nord-africains, plus
conventionnellement nommées "les beurettes", sont loin d'être les actrices
dociles d'une intégration inconditionnelle. Partagées entre leur subjectivité
et les injonctions paradoxales qui leur enjoignent de se défaire d'une
différence culturelle à laquelle elles sont constamment rappelées, elles
s'efforcent de mêler les sources de leur accomplissement. En régime de rareté,
elles inventent des manières d'être inédites, entre auto-limitation et
bricolage, semblables en cela aux individus d'aujourd'hui, refusant le
prêt-à-penser et l'abolition de leur identité. Jeunes, femmes, d'origine
immigrée, elles incarnent toutes ces figures pour les dépasser. Artisanes de
libertés tempérées, en refusant de payer le prix exorbitant d'un déni de soi
et des siens, elles prennent place parmi les actrices d'une société
réconciliée avec sa diversité.

Fille d'imigrants algériens, Nacira Guénif Souilamas est née en 1959 dans la
banlieue Nord de Paris où elle vit actuellement. Docteur(e) en sociologie,
elle est chercheur(e) au Cadis (EHESS-CNRS). Ses travaux récents portent sur
les échelles urbaines de la vie des familles en milieu populaire. Elle a été
chargée par le gouvernement d'animer une commission sur le thème : école et
intégration.