Presses universitaires de France

15,50
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10 août 2012

La biophilosophie

Le double phénomène de médicalisation extrême du corps (chirurgie esthétique, sport, traitement des maladies, …) associé à sa marchandisation (vente d’organes, prostitution, droit à l’image, …) justifie la question posée par François Dagognet, philosophe et médecin à l’Université Paris-I : Qu’est-ce que le corps ?
Pour y répondre, le philosophe explore l’ensemble des théories biophilosophiques, du corps comme corps-mort, valorisant uniquement l’esprit (chez Platon ou dans la tradition chrétienne) au corps comme corps pour soi, comme corps vécu, à l’œuvre chez Sartre, Foucault, Hegel ou encore Merleau-Ponty.


L’auteur retrace à travers les siècles l’histoire d’une idée complexe, celle du corps, et nous rappelle que chaque génération de penseurs a défendu sa propre conception du corps : le dualisme esprit/corps chez Platon, la théorie de l’animation chez Aristote, le matérialisme chez Epicure et Lucrèce, le biomécanisme chez Descartes, le générationnisme chez Malebranche, le romantisme de Diderot, la dialectique végétatif/animal chez Bichat, le corps existential chez Sartre, le holisme de Merleau-Ponty ou encore le corps libidinal chez Reich.
Loin se s’en tenir à une approche historique, François Dagognet défend la thèse d’un multi-corps objectifs, à la fois en-soi et pour-soi, à la lumière des dernières recherches en biologie et biogénétique, mais aussi en psychanalyse. Enfin, il pointe l’hypothèse de l’émergence d’un nouveau corps, qu’il nomme « méta-corps », celui qui s’intègre aux machines, remplaçant ainsi le corps traditionnel.
La double formation de François Dagognet, philosophe et médecin, rend une légitimité incontestable sur ce sujet : il pense et pratique le corps, permettant une approche complète et exigeante de la biophilosophie, trop souvent délaissée ou rabaissée face à la philosophie de l’esprit.

Les Origines du totalitarisme - Tome 3

Points

10,90
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10 août 2012

Du totalitarisme

« Les mouvements totalitaires sont des organisations d’individus atomisés et isolés », doux oxymore au goût de dégoût. La plume d’Hannah Arendt, philosophe allemand expatriée aux Etats-Unis sous le IIIème Reich, a su rendre plus explicite une période de l’histoire que d’aucuns s’attachent encore à décortiquer. Elle s’est, en effet, à travers cet essai, évertuée à démontrer un mode de pensée, une pratique, un mouvement devenu plus tard une idéologie et plus largement un système politique, une dynamique de contrôle absolu d’un seul sur la masse : le Totalitarisme. C’est avec une fine lucidité qu’Hannah Arendt entraîne son lecteur par-delà l’écoulement du temps en Allemagne puis en Russie, nous faisant découvrir les méfaits de quelques uns contre tous : c’est l’unicité machiavélique contre la masse. Dès les prémisses de l’ouvrage, ce sont des détails qui touchent, emportent et transpercent, issus d’une analyse chronophage, que nous fait découvrir Hannah Arendt.


La grande nouveauté introduite par Arendt est simple mais vertigineuse du point de vue intellectuel : traiter sur un même pied analytique la Russie de Staline et l’Allemagne d’Hitler, par-delà leur apparente divergence. Sa définition du totalitarisme trouve son origine dans l’Allemagne nazie et l’URSS Stalinienne. Organisés et sombres, ces deux régimes ont longtemps plongés leurs « nationaux » dans une course à la perte identitaire. Déstructurer pour remodeler, façonner un individu à l’image du chef et de la politique qu’il met en place. C’est ainsi que nait la conscience de masse, laquelle Masse se met à aduler la figure charismatique de celui qui est clairement identifié comme Dirigeant. D’un Moi libre, l’individu se perd, s’isole et tel un automate, il cherche à s’identifier à ce chef.
C’est une organisation alors finement administrée qui voit le jour et conduite par la propagande, c’est une course à la détention du contrôle absolu qui est lancée. La propagande, non sans être suffisamment efficace pour rallier la masse à sa cause va même plus loin puisqu’elle va tendre vers l’endoctrinement. L’utilisation de la violence devient un outil indispensable du pouvoir, de pratiques sur l’ensemble du territoire allemand ou russe. L’histoire de l’ordre s’apprécie à cet instant à l’aune du taylorisme à une autre époque. La loi est « réécrite », la peur du système se fait sentir, une politique de l’antisémitisme est mise en avant, le racisme est de rigueur. Un noyau dur est forgé et a la lourde responsabilité de faire maintenir cet ordre totalitaire. Ce noyau est matérialisé par une police dite secrète, chargée de veiller à la domination du pouvoir du chef unique dont le rayonnement n’est conçu que pour croître, toujours plus, dans la terreur. Une terreur qui n’est organisée que dans le but ultime de dominer le monde. Toute cette quête de la terreur n’est à aucun moment soutenue par un évènement originel que l’on pourrait rapprocher de la morale ou encore expliquer par un acte louable, héroïque démontrant une capacité à révolutionner un système national entier pour en faire un système meilleur encore.
Vifs, saisissants, les écrits d’Hannah Arendt, dans cet ouvrage conduisent à une vraie réflexion sur la valeur de la démocratie, ce bien précaire qu’il faut protéger.

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10 août 2012

Comment commencer, aborder la philosophie ?

Au rayon des introductions à la philosophie, dans lequel vous pensez ne trouver que les mêmes inventaires à la Prévert de la philosophie, cet ouvrage se distingue de ses voisins par une approche ludique, mêlant intelligemment textes et dessins.

Et qui, mieux qu’un professeur, pour introduire à la philosophie avec pédagogie, synthèse et humour ?

C’est ce triple parti pris, dessin, point de vue didactique et drôle, que défend Nono au travers d’une anthologie subjective des grands philosophes, de l’Antiquité à nos jours) et des idées philosophiques.


Sa méthode est simple : Nono associe thèses fondamentales (le cogito, la maïeutique, les noumènes ou encore la dialectique) et anecdotes (on apprend que les parents de Montesquieu lui avait choisi pour parrain un mendiant, afin qu’il garde en mémoire toute sa vie que les pauvres sont ses frères ou encore que Marx avait pour beau-frère le très répressif et très bourgeois ministre de l’intérieur de Prusse).

L’auteur breton, démythifie avec malice les grands auteurs : Hobbes est un artisan « du contrat de
confiance », Tocqueville chante « L’amérique, je veux l’avoir, et je l’aurai », Socrate et l’inspecteur Colombo sont assimilés, Kant passe la religion et la métaphysique au kärcher, Hegel et sa dialectique du maître et de l’esclave sont illustrés par une bataille pour un transat, Schopenhauer est réduit au pousse-au-crime neurasthénique, Freud un obsédé sexuel.

On entend souvent dire que la philosophie est réservée aux philosophes. Le mérite de Nono, en soi
en tour de force, est de tordre le cou à l’idée que la philosophie est compliquée, ampoulée, élitiste, bref incapable de se mettre à la portée de tous. Cet ouvrage ne saurait bien sûr faire le tour de la philosophie, mais il permet de s’y plonger de manière décomplexée, permettant aux lecteurs d’aller plus loin par eux-mêmes.

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4 août 2012

Le cinéma peut-il changer une vie ?

Le cinéma a-t-il le pouvoir de changer votre vie ? C’est la question intéressante que pose Eric Vartzbed, psychothérapeute de l’école analytique, dans son essai Comment Woody Allen peut changer votre vie ? à propos de l’œuvre du réalisateur de l’introspection, symbole du bavardage intello.

Bien loin de l’analyse classique du critique de films, l’auteur parcourt l’œuvre pléthorique d’Allen (plus de 40 films), en abordant de front tous les thèmes récurrents de ses films (l’amour, la mort, la religion, la politique, la morale, le hasard, …), s’adressant tant au féru qu’au profane du cinéaste new-yorkais. Le premier y reconnaîtra une connaissance fine de l’œuvre, de Annie Hall à Match Point en passant par Tout le monde dit I love you, le second y découvrira la richesse et la complexité d’une œuvre exigeante sans être prétentieuse.
Le parti-pris d’Eric Vartzbed est de considérer, à partir de sa propre rencontre avec Woody Allen, le cinéma comme un miroir dans lequel le spectateur peut se scruter, s’analyser et se découvrir. Ceci est rendu possible par l’innovation d’Allen, qui a fait du cinéma parlant, un cinéma bavard, dont la parole sert, comme en analyse, de révélateur, de thérapie. Selon l’auteur, la complexité des personnages alleniens renvoie à notre propre complexité, permettant un travail sur soi. En se présentant lui-même comme malade et comme médecin, Woody Allen invite chacun, en effet, à penser, à panser les manques, les à-côtés de nos vies, autrement dit à devenir autres. Cependant, Vartzbed insiste sur le fait qu’Allen n’est pas un moraliste, il ne livre aucune « recette » du bonheur (whatever works, « peu importe comment pourvu que cela marche » serait sa devise), il tend plutôt au spectateur ce reflet qui lui permettra de s’interroger.
Ainsi, le cinéma serait psychanalytique et ses vertus seraient celles d’une analyse. Allen serait un maître du changement personnel, un libérateur du surmoi au même titre que les maîtres de la psychanalyse tels que Freud ou Lacan :
« Avec les films d’Allen, on rit et on réfléchit, on s’esclaffe et on médite. Ils ne ressortissent pas au simple divertissement et peuvent avoir un effet sur nos vies, parce qu’à partir de notre condition chaotique, ils extraient un savoir. Et connaître, comme dirait Sartre, c’est se changer ».