Qui a vu la bande à Bonnot?

Durant quatre mois, de décembre 1911 à avril 1912, la bande à Bonnot tue sans états d'âme pour accomplir ses rapines et s'enfuit en automobile. C'est une première dans l'univers du crime et cette saga sanglante enflamme la presse et le public. Des récompenses de plus en plus importantes sont promises à qui donnera le renseignement permettant d'arrêter les assassins.
La préfecture de police reçoit ainsi 2 500 lettres de dénonciation, billets de bons conseils ou missives exposant une intime conviction. Le matériau est pitoyable au plan policier mais se révèle un siècle plus tard comme un formidable miroir des obsessions d'une époque.
Le florilège offert par la centaine de lettres sélectionnées ici dans les archives de la police montre la fascination de la France de 1900 pour la modernité technique, les inventions, comme son goût pour le surnaturel, l'occultisme ou la magie. L'interprétation des rêves ou la convocation des esprits sont ainsi présentées comme de bons moyens de mettre la main sur Bonnot et les siens. Et le sang versé aveuglément par des criminels appartenant à la mouvance anarchiste donne au frisson morbide du fait divers ordinaire une toute autre dimension. En dépit de motivations clairement plus crapuleuses que politiques, la bande est perçue comme un poison dans le corps social : qui pourrait dans ces conditions se sentir à l'abri d'une telle menace ?