Loïc L.

Conseillé par (Libraire)
2 août 2013

Autant le dire d'emblée : "Kinderzimmer" est de ces livres qui vous prennent aux tripes dès les premières pages et vous arrachent régulièrement des larmes. Valentine Goby, dont le talent pour traiter les histoires les plus émouvantes de la façon la plus subtile n'est plus à démontrer, a choisi pour la rentrée littéraire 2013 de livrer un texte d'une force incroyable.

Nous sommes en 1944, son héroïne Mila est enceinte et se retrouve dans l'enfer des camps. A Ravensbrück, au milieu de centaines de milliers d'anonymes, elle ne sait combien de temps elle pourra cacher sa grossesse. Ce qu'elle apprendra, c'est que dans cet enfer, une lueur d'espoir existe. Cette lueur s'appelle Kinderzimmer.

D'une écriture certes poétique mais aussi crue et brutale, Goby a peut-être composé avec ce nouveau roman une des fictions majeures de ces dernières années ayant pour thème l'univers concentrationnaire.

Conseillé par (Libraire)
26 juin 2013

Cassandra, jeune femme perturbée, refuse l'idée que sa sœur jumelle Judith se marie. Après une année de solitude passée loin des siens, elle retourne dans la demeure familiale à l'occasion de la noce. Tiraillée entre l'amour et la colère, Cassandra va tout faire pour détourner Judith de son promis. Jusqu'à l'extrême...
Fascinant, ambigu, distillant l'air de rien sa petite atmosphère sombre et perverse, ce beau roman permet de découvrir l'écriture précise et acérée de Dorothy Baker. Morte d'un cancer en 1968, elle n'a laissé derrière elle qu'une œuvre maigre (une poignée de romans, une pièce de théâtre) mais intense. Dans "Cassandra au mariage", elle excelle à dévoiler les tourments, les frustrations et les contradictions de son héroïne, mais dresse aussi un savoureux portrait de famille, unie, aimante et pleine de névroses.

Conseillé par (Libraire)
17 juin 2013

L'excellente collection "Signatures" des éditions Points reprend dans sa version poche un recueil de nouvelles signé Raymond Carver que L'Olivier avait eu l'excellente initiative d'éditer en 2010 dans sa version initiale.
En effet, le premier éditeur de Carver, Gordon Lish, avait publié en 1981 la version parue sous le titre "Parlez-moi d'amour", opérant au préalable des coupes sévères dans le texte.

Celle-ci permet donc de redécouvrir un chef-d'œuvre où l'écriture concise du grand écrivain fait des merveilles (on se demande quelles coupes se révélaient si nécessaires aux yeux de Lish à l'époque). On y croise des êtres confrontés au vide de leur existence, courant souvent à la catastrophe sans en prendre conscience. Les épreuves qu'ils affrontent sont terrifiantes car ancrées dans un quotidien des plus banals qui fait lentement basculer ces personnages vers la solitude et l'abandon de soi. Le style épuré de Carver ne rend que plus cynique le monde à la fois si familier et si désespéré qu'il dépeint.

Une bonne occasion donc pour les lecteurs de "Parlez-moi d'amour" de jouer au jeu des différences entre les deux versions, et pour les néophytes de s'immerger dans l'univers si sensible du grand Carver.

Le Livre de poche

Conseillé par (Libraire)
6 mai 2013

A Berlin, quatre amis d'adolescence qui voient l'approche de la trentaine d'un œil désenchanté, décident de créer une agence du nom de Sorry qui se charge de s'excuser à la place des autres. Le concept inédit va se révéler fructueux et l'entreprise rencontrer un franc succès. Mais leur enthousiasme s'effondre lorsqu'un tueur à la conscience trop lourde prend contact avec eux. Les quatre amis vont alors se retrouver plongés en plein cauchemar, sans autre possibilité que de découvrir par eux-mêmes l'identité de l'assassin. Élu meilleur thriller de l'année 2010 en Allemagne, ce nouveau polar de l'excellente maison d'édition Sonatine est une réussite totale. Écrit dans un style sensible, alliant différents types de narration qui passent du "je" au "tu" dans un subtil brouillage des pistes, "Sorry" offre avant tout une trame inédite aux abords farfelus (cette histoire d'agence qui s'excuse aurait pu tomber dans le grotesque, ce n'est jamais le cas) mais courageusement assumée et surtout parfaitement traitée. L'histoire est donc passionnante de bout en bout et si les codes du suspense sont totalement maîtrisés (frissons garantis, comme le veut la formule), Drvenkar fait surtout la différence en abordant des thématiques difficiles ou dérangeantes (la pédophilie, le pardon, le châtiment...) à travers des personnages très attachants à la psychologie fouillée. Un roman tourmenté, intelligent et d'une grande originalité.

Christian Bourgois

Conseillé par (Libraire)
4 mai 2013

Comme vient au monde dans les contes de fée un être dont le destin ne sera pas celui du commun des mortels, Wayne naît à la fois garçon et fille, dans l'espace immense et blanc du Labrador, au Canada. A cette naissance extraordinaire, la mort va répondre simultanément lorsque Thomasina, voisine des parents du nouveau-né, apprend le décès par noyade de son mari et de sa fille Annabel.

Ce sont les premières pages du roman qui porte le nom de cette jeune défunte et c'est déjà magnifique. De l'histoire troublante de Wayne, Kathleen Winter tire une parabole lumineuse, dont chaque phrase, chaque mot témoigne d'une grande sensibilité. La romancière canadienne dont c'est le premier roman livre un sans faute, à la fois dans le style simple et gracieux, et dans l'exploration des âmes de ses personnages. Parmi eux et avant les autres, Wayne, dont on suit le cheminement intérieur, se révèle fascinant : de ses premiers doutes à la confirmation d'un hermaphrodisme mutilé dans son enfance par son père (celui-ci demande aux médecins de retirer au nourrisson ses organes génitaux féminins) aux premières réactions de rejet à son entrée dans l'âge adulte, il est l'incarnation de notre propre dualité, de notre altérité enfouie au nom des conformités sociales, mais aussi d'une candeur et d'une insouciance mortes avec notre jeunesse.