Zéros de romans

Certains prennent plaisir à lire les récits de tel magnat de la chaussure ou du stylo à bille, décrivant par le menu leur accession aux plus riches sphères de la société, celles où l'on éponge sans y prêter attention une goutte de Pétrus avec un pan de chemise Armani. Exemples à suivre, pourquoi pas ; source de frustration ou d'indifférence et perte de temps pour de plus excitantes lectures, certainement. Ne nous laissons pas embarquer dans ces contes de fées modernes et vains, trouvons une parade réjouissante à défaut d'être constructive.

Prenons donc le contrepoint de ces exaspérantes réussites et allons droit dans le mur : les ratés, les nullards, les tocards qui ont élevé en règle de vie l'adage selon lequel on séduit avec ses faiblesses méritent toute notre attention. Chers aux frères Cohen, ces héros de choix provoquent les situations inextricables, accumulent les bévues et s'enferrent dans des relations sans issues qui ne construisent que les bases de leur inéluctable chute. Avec eux, toute élévation n'est que prise d'élan pour s'enterrer davantage.

Nul n'a besoin qu'on lui mette sous le nez la saga d'une réussite qui ne fait que s'auto-congratuler mais bien plutôt d'un personnage à portée de tous, parfois nantis de qualités certaines mais gâchant toutes les opportunités, ne s'impliquant aveuglément que dans les causes perdues, ironique palliatif à nos propres médiocres espérances déçues et ratages divers. Il ne s'agit certes pas de se trouver un alibi pour se satisfaire de sa propre situation, mais un petit élan de motivation, un peu de légèreté pour s'élever à nouveau.

Rire du malheur des autres, voilà une saine activité pleine d'avenir.

(Thomas, Librairie Grangier)

Arrogant, schizophrène et génial, Ripley Bogle est un aristo de la dèche, un Candide clochardisé en exil. Recherché par l'IRA pour trahison, il a fui Belfast pour atterrir dans le Londres impitoyable des années 80. La faim et la crasse sont ses compagnes, mais son humour féroce reste sa meilleure arme pour nous conter avec cynisme sa descente aux enfers.
" Robert McLiam Wilson fit de sa première œuvre un chef-d'œuvre. Caustique, comique, cette autobiographie mensongère conte avec un humour ravageur et une verve incroyable les tribulations d'un jeune Irlandais en rupture de ban. "
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Traduit de l'anglais par Brice Mathieussent